Blog de PANDA Guide

Une vision inspirante du monde de la déficience visuelle

[PORTRAIT] Camille Chabrerie - Auteure - Audiodescription -

3/4/2018

PANDA-Guide est allé à la rencontre de Camille, auteure qui réalise des sous-titrage et de l’audiodescription pour les personnes déficientes sensorielle, comme elle le dit si bien, elle travaille POUR et AVEC des personnes déficientes sensorielles. Entre cours de langue des signes, audiodescription de pièces de théâtre, son quotidien est un condensé d’inclusion et d’accessibilité.  

Synopsis ?

L’équipe PANDA Guide part à la rencontre de personnes inspirantes, des personnes déficientes visuelles, aveugles, mais pas seulement, surtout des personnes qui accomplissent de grandes choses, et font changer le regard de la société sur la déficience visuelle, en France et à travers le monde…

Portrait d'une faiseuse d'audiodescription

  

Peux-tu te présenter en quelques mots ? 

Je m’appelle Camille Chabrerie, j’ai 31 ans.

 

Qu’est-ce qui te motive le matin ?

La journée qui m’attend, parce qu’elle ne ressemblera pas à la précédente.

 

Tu fais quoi dans la vie ?

Je prête mes oreilles et mes yeux à ceux qui le souhaitent.

Je prête mes oreilles et mes yeux à ceux qui le souhaitent.

 De façon plus concrète, je fais du sous-titrage pour les sourds et malentendants et j’écris des textes d’audiodescription pour les aveugles. Tout ce qui va toucher à l’accessibilité des « déficients sensoriels », même si je n’aime pas ce terme.

 

Tu viens d’où ?  

Je viens d’Annecy, ville qui m’est encore très chère aujourd’hui. Je suis venue à Paris pour suivre des études de théâtre pratique et théorique, et pour être comédienne. Et puis... j’ai changé de cap.

Partie de rien ?

Partie d’un autre univers, en tout cas ! Et j’apprends chaque jour un peu plus des attentes du public pour lequel je travaille. Je peux dire maintenant qu’au bout de 7 ans à travailler pour des laboratoires différents, des publics différents, des univers différents, je commence doucement à maîtriser le sujet.

Vers un monde plus accessible aux déficients sensoriels

 

Pourquoi as-tu choisi d'aider les personnes déficientes visuelles et auditives ?

 

Pour payer mes répétitions de théâtre, j’avais un petit boulot dans un laboratoire de post-production audiovisuelle. On m’a proposé de me former aux bases du sous-titrage classique et plus particulièrement pour les sourds et malentendants. J’ai d’abord pris ça comme un autre petit « job ». Et au fur et à mesure, j’ai découvert la Communauté sourde, le monde des aveugles, le combat pour l’accessibilité en général... Je me suis demandé pourquoi ce qui me passionnait (la culture, les médias) n’était pas si facilement accessible à tous.

Et au fur et à mesure, j’ai découvert la Communauté sourde, le monde des aveugles, le combat pour l’accessibilité en général... Je me suis demandé pourquoi ce qui me passionnait (la culture, les médias) n’était pas si facilement accessible à tous.

Et le métier de comédienne m’a paru complètement insipide par rapport à la richesse de ce monde-là.

 

Et puis ma grand-mère était sourde, j’aurais adoré qu’elle ait le temps de découvrir tous ces systèmes pour communiquer avec nous.

 

 

Présente ton entreprise en quelques mots (inclusion)?

Mon entreprise, c’est moi-même ! En réalité, j’ai commencé en étant considérée comme « auteure ». Mais en 2014, la législation a changé concernant les sous-titreurs pour les sourds et malentendants. J’ai dû monter une entreprise pour continuer à travailler... en divisant mon salaire par deux, pratiquement.

Donc on va dire que ce n’est pas un choix très agréable au départ, mais ça m’a permis aussi de diversifier mon activité.

Du coup, maintenant... Pour les sourds, je fais du sous-titrage pour la télévision, le cinéma (en différé et en direct), du surtitrage pour le théâtre, de la transcription vocale pour des conférences, des réunions dans des ministères, ou des accompagnements personnels dans les écoles. Et depuis peu, je transcris des appels sur une plateforme, pour les sourds qui veulent téléphoner.

Pour les aveugles, j’écris les textes des audiodescriptions, que je relis avec une personne aveugle, et que je confie à un comédien pour qu’il pose sa voix.

 

Tu fais travailler combien de personnes ?

Directement, personne. C’est beaucoup plus simple pour les décisions intra-entreprise :-)

Comment le handicap peut inspirer ?

 

Raconte-moi une anecdote marquante autour du handicap visuel ou auditif?

Elle n’est pas très drôle, mais elle est symbolique.

Je travaillais sur le surtitrage des « Enfants du silence » à la Comédie-Française. Le rôle très emblématique de Sarah, une jeune femme sourde, était tenu par une comédienne entendante. Depuis la création de cette grande Maison, il est interdit de faire jouer quelqu’un qui n’est pas sociétaire ou pensionnaire. Mais les sourds ont pris ce choix comme une insulte et sont venus manifester devant le théâtre. Pour eux, c’est comme si on demandait à un Américain de jouer un Français. D’autant qu’il y a beaucoup de comédiens sourds très talentueux. Je me sentais à la fois solidaire avec eux et très peinée pour la comédienne qui avait fourni un travail formidable.

C’était très fort, très révélateur, et très frustrant pour tout le monde.

On avait déjà vécu une ambiance similaire à l’avant-première de « La Famille Bélier ». Il faudrait des heures pour ce débat.

 

Une personne qui t’inspire ?

Alexandre Jollien. C’est un philosophe de l’ordinaire. Un sage espiègle qui est très très inspirant. J’aime son parcours, son regard sur la vie. Je vais le voir dans des conférences, c’est une vraie bouffée d’oxygène !

 

Un citation inspirante qui te définisse ?

« Il faut avoir du chaos en soi pour accoucher d’une étoile qui danse » (Nietzche)

« Il faut avoir du chaos en soi pour accoucher d’une étoile qui danse » (Nietzche)

J’aime aussi le 4e accord toltèque : « Faites de votre mieux. » La phrase n’est pas simpliste que ça.

 

Une prise de conscience ?

Deux ! Fondamentales.

Lorsque j’ai découvert la Communauté sourde et les parcours des personnes aveugles avec lesquelles je travaille. J’ai arrêté de penser que je travaillais pour des « pauvres petites handicapés en souffrance » et que c’était simplement des PERSONNES à qui il « manque » un sens. Je tiens à mettre « manque » entre guillemets parce que souvent, elles ne veulent pas le récupérer. Pour certains, c’est même une identité.

La deuxième, c’est qu’on ne peut pas faire ce métier sans côtoyer constamment des sourds, des malentendants, des aveugles et des malvoyants. On travaille pour eux. Il ne faut jamais l’oublier.

 

Une petite action du quotidien que tu as l’habitude de faire ?

Sous ma douche, depuis quelques semaines, je prends l’habitude de répéter les signes que j’apprends dans ma formation de LSF ! C’est difficile de tout assimiler quand il ne reste aucune note après le cours.

Culture, inclusion et technologie

  

On en est où dans 20 ans pour l'accessibilité?

Tout le monde peut regarder, écouter ce qu’il souhaite. Même les plus gros navets ! Le choix du contenu ne me regarde pas :-)

 

Plutôt Batman ou Superman ? (humain augmenté)

Batman. C’est le seul super-héros qui n’a pas de « pouvoir ». C’est un super-humain. Clin d’œil au passage à la superbe publicité « We’re superhumans » pour les athlètes paralympiques.

 

Ton film préféré ?

Aïe, c’est dur. J’ai plein de grands « classiques » en tête... Mais je vais essayer d’aller chercher un peu plus loin. Il m’est arrivé un truc dingue en regardant « Essaye-moi » de Pierre-François Martin-Laval. Je l’avais enregistré... et je l’ai regardé une deuxième fois, coup sur coup. J’ai trouvé ça d’une poésie absolument bouleversante. Je crois que j’aime les univers un peu décalés et naïfs.

Ton équipe de sport préférée ?  

Je m’y suis mis avec mon compagnon... Je partais de zéro. Même en-dessous. Allez, pour lui faire plaisir, je vais répondre Le Stade Français, en rugby ! Mais sinon, j’adore les grands événements comme les Jeux olympiques et paralympiques. Je pleure à chaque Marseillaise.

 

MAC ou PC ? 

PC. Toujours. Pour toujours. Tous mes logiciels fonctionnent sur PC. C’est un peu mon meilleur ami, mon ordinateur. Mais avec moi, il a peu d’espérance de vie...

 

La technologie ? Pourquoi faire ? Vers un monde inclusif.

Pour améliorer l’homme... quand il en a besoin ou quand il le souhaite ! Cela dit, j’ai accompagné une jeune femme sourde dans un cours à Sciences-Po sur l’intelligence artificielle... et j’avoue que son avancée fulgurante m’a fait froid dans le dos...

 

 

Si tu devais laisser un conseil aux générations futures ?

Soyez plus intelligents, plus écolos et plus altruistes que nous !

Si vous avez un projet en lien avec de l'audiodescription ou du sous-titrage, vous pouvez joindre Camille via ce lien : http://bit.ly/2htjegE

MERCI BEAUCOUP !

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